Cri de l'âme

Cri de l'âme

SCREAM OF THE SOUL

Un film de Dominique Othenin-Girard

Documentaire | 2022 | Suisse | 63 minutes | DCP | Couleur | Son 5.1

Synopsis

Le peintre Joe Boehler, ancien soldat, boxeur et artiste autodidacte, dit qu’il a dû choisir entre tuer des gens et créer de l’art. Ce documentaire est tourné à la veille d’une nouvelle exposition du travail de Boehler, permettant à une nouvelle génération d’amateurs d’art de découvrir comment de grands artistes transforment le traumatisme en quelque chose de beau et de significatif. Nous accompagnons Boehler sur son chemin de découverte de soi et célébrons ses victoires tard dans la vie.

Fiche technique

Scénario et réalisation Dominique Othenin-Girard
Production Xavier Ruiz Dominique Othenin-Girard
Image et prise de son Dominique Othenin-Girard
Montage Thomas Queille et Brandon Beytrison
Curatrice et productrice de l’exposition « Du Goudron à la Liberté de la Cuillère » Fanny Audemars
Coordinatrice de production Chantal Regenass
Mixage Denis Séchaud – Studio Masé
Etalonnage Rodney Musso – Colorgrade
Finissions Jean-Baptiste Perrin – Colorgrade

Récompense

New York Independant Cinema Festival 2022 Meilleur doc.

Chicago Indie Film Awards 2022 Meilleur doc.

Kansas Arthouse Festival 2022 Meilleur doc.

Montreal Independent Film Festival 2022 Meilleur doc.

Cannes Film Awards 2022 Meilleur documentaire

Best Documentary Awards 2022 Vainqueur.

LA Independent Film Channel Festival 2022 Meilleur doc.

 

“Heureusement que je fais de la peinture, je ferais autre chose je crois que je pourrais être dangereux.”

RENCONTRE AVEC DOMINIQUE OTHENIN-GIRARD, REALISATEUR

Pourquoi avoir choisi de faire un film centré sur l’acte de création, en questionnant Joe Boehler sur ce mécanisme ?

D’où vient l’acte de création ? Où va-t-il ? A quoi sert-il ? Ce sont des questions que je me suis toujours posées, étant moi-même fils d’un artiste peintre et réalisateur de films.. Et c’est à travers le parcours insolite de cet artiste peintre et performeur formidable qu’est Joe Boehler que j’arrive enfin, avec ce film, à aller chercher des réponses. Joe a été d’une ouverture et d’une sincérité incroyable, il m’a ouvert son cœur et son esprit afin que je puisse aller y puiser ce que je cherchais… C’est une expérience incroyable. J’ai pu trouver, chez lui, une sorte d’introspection externalisée à mes questions. C’était une vraie coopération car lui aussi a dû s’intéresser à moi, me comprendre, pour finalement m’accorder sa confiance indispensable à la profondeur de ses récits.

Ce n’est pas le premier portrait d’artiste que vous réalisez. Quel a été le cheminement qui vous a amené à consacrer un long métrage à ce sujet ?

Le film « Cri de l’âme » est effectivement l’aboutissement d’un travail de portrait d’artistes, des courts métrages réalisés à Shanghai sur 6 artistes que j’ai suivis lors de mon séjour de 6 mois dans la résidence du Swatch Art Peace Hotel. Ces artistes venaient des quatre coins de la planète et je leur ai posé la question fondamentale : « est-ce que l’acte créatif vient d’une pulsion liée à nos origines ou est-ce qu’elle vient de la confrontation, du télescopage de différentes cultures… ? ». Cette série a eu un succès étonnant et a été projetée pendant les 4 mois de la Biennale de Venise en 2015 dans le pavillon Swatch. Malgré le caractère très spécifique du film, nous suivons l’artiste Joe Boehler la veille d’une nouvelle exposition après 10 ans de silence, vous arrivez à ouvrir le sujet et à nous embarquer dans une réflexion bien plus large que celle du retour de Joe… nous questionnant entre autres sur le rôle de l’art dans la société et la place de l’artiste.

Quelle était votre intention ?

Par ce film je souhaitais utiliser la magie de Joe pour divertir et offrir une réflexion sur le rôle et l’importance de l’art dans notre société. Joe est un personnage, il nous emmène avec lui, il nous subjugue … Il était le parfait media pour aborder ces questions sur l’art par le biais de ce qu’on pourrait appeler le divertissement, la dramaturgie et le spectaculaire.

Joe a  atteint une telle maîtrise technique que le regarder travailler nous permet de voir un acte de création pure. Et comme il nous livre en direct son ressenti, cela donne un personnage plus vrai que nature que le spectateur peut comprendre et qui nous emporte avec lui.

C’est par le montage que je fais avancer cette dramaturgie mais tout le matériau était là, il n’y avait qu’à suivre Joe. Cette exposition a été une occasion formidable car elle a amené le stress de la préparation, les angoisses et le doute… car quel artiste ne doute pas quand il offre son art  à son public ? Tout cela donne un film instructif et fondamentalement divertissant, beaucoup plus universel que son seul sujet peut le laisser prévoir.

Le film ressemble, en effet, peu aux documentaires traditionnels. Est-ce que cette « déviation » était voulue, comment l’aviez-vous préparée ?

« Si vous voulez enfreindre les règles, vous devez d’abord les maîtriser ! »

Cet adage m’a inspiré tout au long de mon travail. J’avais envie de réaliser un film créatif, émouvant, original et frais. J’avais envie d’enfreindre les règles du documentaire classique avec un tel sujet. Le film devait être à la hauteur de ce qu’il traite.

Depuis ma tendre enfance, j’ai été immergé dans l’art avec un père peintre et sculpteur et une mère créatrice de tissus. Toute ma vie j’ai fréquenté intimement des artistes de tous genres – écrivains, peintres, musiciens, performeurs, acteurs, metteurs en scène, etc… Moi-même, j’ai travaillé dur et j’ai été novateur dans la réalisation de quelques 30 long-métrages.

Le concept de « création » est utilisé aujourd’hui de manière quasi spontanée. Or, cette idée qu’un individu soit « créateur », et que ses œuvres valent précisément en tant que « créations », ne va pas de soi. Le concept de « création » implique la valorisation de l’originalité. La création doit donc toujours apparaître un peu ex nihilo, surgir de nulle part. Le mode de fonctionnement de Joe en est la preuve vivante et m’appuyant sur son exemple j’ai voulu avec ce film partager à une large audience un souffle magique d’inspiration et de libération créative ! 

Ce qui est intéressant aussi c’est la façon dont vous jouez avec différents temps : le temps intime de la création dans son atelier, le passé avec le questionnement de son enfance et des étapes frappantes de son parcours, et puis le temps présent parce qu’il y a l’urgence de cette exposition à préparer.

Pour comprendre Joe et bien recevoir ses réponses il faut avoir le contexte, et il ne s’agissait pas de faire un exposé de sa vie, de son parcours. Il me semblait plus intéressant d’entendre ce qu’il pense de son passé et ce qui l’a amené là où il est que de fournir une biographie précise dont le spectateur ne saurait que faire. J’ai donc décidé que c’était Joe qui devait nous raconter cela, avec ses propres mots. Connaissant son histoire, je suis donc allé le questionner, parfois sous forme de provocations, pour que ressortent, en même temps que les souvenirs, les tensions qui y sont associées.

De la même manière, j’ai questionné Joe dans son atelier pendant les conceptions de nouvelles toiles, ce qui me permettait de capter aussi les émotions associées à sa phase créatrice. Il va sans dire que lors de la préparation de l’exposition, l’atmosphère était aussi chargée, bien que toujours saine…

C’est donc l’émotion, celle ressentie encore maintenant, qui est le liant pour évoquer ces différents temps. Je pense que cela joue beaucoup dans la perception du spectateur car il n’y a pas de « mensonge », rien n’est recréé, tout est vécu « en direct » même le passé par l’évocation des souvenirs…

Par ailleurs, Joe a eu cette grande honnêteté de ne rien cacher ! Et cela donne des moments comme lorsqu’il se met un bandeau sur les yeux pour ne pas voir ses toiles partir vers le lieu de l’exposition car il ressent cette séparation comme une déchirure. Rien n’est joué bien sûr et j’ai essayé de me faire le plus petit possible pour capter tout cela… heureusement avec le bandeau il ne pouvait pas me voir ! Il n’a découvert qu’avec le film que ma caméra était présente à ce moment-là et que j’avais filmé la scène.

 

« Cri de l’âme » est en quelque sorte le portrait d’un artiste sous forme d’autoportrait, la rencontre de deux artistes. Comment vous êtes-vous inspiré, imprégné des enseignements de Joe Boehler pour faire évoluer le film que vous étiez en train de créer ?

Il y a l’importance de la gestuelle. Joe me parlait de celle du pâtissier qu’il avait le jour où il a fait 7000 choux à la crème dans la matinée. Il a appris à être efficace avec ses gestes. Et aujourd’hui, il s’est créé une gestuelle pour maîtriser la peinture à la cuillère. Pour arriver à dire ce que sa vision lui dit de dire… Moi de mon côté, avec les quelques 30 longs métrages que j’ai réalisés, j’ai aussi appris une certaine gestuelle : celle de d’avoir la main qui suit l’œil, d’arriver avec la caméra à la main à capter ce qui survient en un clin d’œil. J’étais donc prêt à laisser la technique de côté et me laisser imprégner par cette rencontre. Dans le passé, Joe a fait un autoportrait par jour pendant une année. Il n’a jamais manqué son rendez-vous avec lui-même et en a donc fait 365 !

C’est un exercice qu’il maîtrise et affectionne, sorte de face à face honnête avec lui-même… l’extériorisation de ses sentiments et ressentis afin de mieux les visualiser et les intégrer. C’est une exercice que l’on devrait peut-être tous faire tant on apprendrait de choses.. Au cours du tournage je lui ai donc demandé de réaliser des autoportraits sur divers formats et en diverses situations. En enregistrant ses commentaires pendant son travail et ses réflexions en analysant le résultat, j’ai pu mettre le peintre face à lui-même. Ce sont les techniques même de Joe qui m’ont inspirées pour ce travail. Je n’aurais sûrement pas utilisé cette technique pour filmer un autre artiste, c’est ce qu’apporte d’être le plus proche possible de son sujet.

Tellement proche du sujet qu’on se place même à un moment donné à la place de la toile…

Effectivement je voulais aussi amener le spectateur au plus proche de l’artiste en création. J’ai donc voulu faire de la toile un personnage. La voir naître par les gestes de l’artiste. Ecouter ce que l’artiste lui dit, comment il s’engage avec elle, accompagner son combat et son processus ; observer l’accouchement de la toile…

Finalement après avoir entendu ce « cri de l’âme », on comprend à quel point l’art et la pulsion créatrice peuvent être cathartiques.

J’espère justement que ce film donnera envie aux artistes en herbe de se mettre à créer, à ceux qui doutent de comprendre ce qu’il se passe en eux… et, oui, pour ceux qui cherchent un échappatoire, de découvrir que le geste de créer peut être un geste rédempteur.

 

DOMINIQUE OTHENIN-GIRARD

BIOGRAPHIE

Dominique Othenin-Girard est un réalisateur, scénariste et producteur indépendant avec plus de 30 films à son actif.

Très jeune, il quitte Genève pour découvrir le monde. En s’imprégnant des cultures des pays où il a vécu, il apprend à raconter des histoires universelles.

Dominique a récemment passé six ans en Chine, où il a enseigné à la prestigieuse Beijing Film Academy et a été artiste en résidence à Shanghai à l’invitation de Swatch.

Pendant ses années à Hollywood, Dominique s’était fait connaitre pour son expertise dans les films d’horreur tels que Halloween 5 : La vengeance de Michael Myers et The Omen 4.

En Europe, il est notamment connu pour avoir mis en lumière, dans des téléfilms à grand succès, la vie de familles confrontées à la trisomie 21.

Son dernier film, un portrait du peintre français Joseph Boehler, examine comment les artistes transforment leurs traumatismes en beauté.

"On peut mourir, mais, vivre c’est beaucoup plus dure, c’est ça qui est bien. Peindre la dureté, c’est jouir deux fois."

JOE BOELHER

BIOGRAPHIE

Plasticien et Performeur, Joe Boehler est né à Strasbourg en 1945 (F).

Entre 1967 et 1969, il entre dans le compagnonnage et fait son tour de France.

Vers les années 1970, il crée son atelier en Suisse et commence sa recherche artistique, qui le confronte à un travail beaucoup plus personnel.

En 1972, il fait sa première exposition à la Tour Philippe le Bel à Villeneuve-lès-Avignon (F). À cette occasion, il rencontre le délégué aux Beaux-arts au Ministère français de la Culture, M. Loisil, qui lui ouvre les portes pour d’autres expositions comme Cannes, Rome, Deauville, Poitiers.

Il participe à plusieurs Grands Prix de peinture : Lauréat de la ville de Poitiers (1975), Prix du Jury du Grand Prix de Peinture de Cannes (1975), Lauréat du Prix des “7 collines de Rome” (1977). Il expose à Poitiers et à la “Maison D’ailleurs” d’Yverdon-les-Bains, sa série “Attente cosmique”.

Il participe au groupe cybernétique de la 5ème dimension avec le professeur David. En 1978, exposition à Berlin (D) sous l’égide du Gouvernement Français. Puis il enchaîne de nombreuses expositions, Avignon, Poitiers, Cannes, Lausanne, Yverdon-les-Bains, Bruxelles, Deauville, Strasbourg, Paris, Rome.

En 1987, il tente une expérience d’enfermement à 450 m. sous terre, hors du temps, d’où est issue une série de tableaux exposés à la Galerie de Ballens (CH) et à la Galerie UNIP de Lausanne (CH).

De 1987 à 1988, il fait un autoportrait par jour durant une année. De cette expérience sont nés 365 tableaux et dessins.

En 1991, il part en Haïti dans le cadre de l’opération “NOVA HELVETIA” organisée par la Radio Suisse Romande à l’occasion du 700ème anniversaire de la Confédération.

En 1992, il commence à travailler sur les épures de formes et la recréation des matières “les hommes dans le mur”. Il s’enferme durant quatre années dans son atelier pour créer “Bleu – et Blue”, qui a été exposé en 2000 à la Galerie de l’Essor CH-Le Sentier. Entretien sur les bleus de Joe Boehler.

En 2001, il fonde ABPi SA en collaboration avec Fanny Audemars, puis en 2002 crée la performance “Comme au cinéma” en tant que peintre, concepteur et réalisateur. 

Galerie photo

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"Quand j’utilise le couteau, je blesse mes toiles. Je ne les peins pas, je les blesse. Et en les blessant c’est une libération de quelque chose."